Nolife, média des temps modernes ?

Changeons un peu des récits de voyage avec un billet un peu plus sérieux aujourd’hui, sur la télévision en général, et un média en particulier : Nolife. La chaîne ne va pas très bien alors plutôt qu’un simple : « abonnez-vous! », je vous propose d’évoquer la TV d’aujourd’hui en général et le positionnement de Nolife là-dedans…

Est-ce que vous regardez encore la télévision, la TNT ? Quand j’en parle un peu autour de moi, je n’en ai guère l’impression… Il faut dire que regarder les chaînes de la TNT me laisse à penser que certains ont un peu raté le virage d’Internet (qui ne date pourtant pas d’hier) et de la démocratisation d’accès aux contenus et à l’information qu’il a apporté. Passer en boucle les mêmes séries ou films des années 90 ou 2000 ne suffit plus (même si HD1 semble finalement vivre comme ça). De manière générale, je pense que se contenter d’être diffuseur d’un contenu ne suffit plus. Les films à grand succès ? La chronologie des médias rend leur exploitation irréaliste (22 mois avant de pouvoir diffuser sur une chaîne en clair, et encore si tu as participé à la production). Les séries ? Tant que le milieu ne permettra pas la diffusion en vostfr à J ou J+1 par rapport au pays d’origine, comme c’est désormais de plus en plus le cas pour l’animation japonaise, on pourra oublier l’exploitation télévisuelle. Que nous reste-t-il ? Les vieilleries vues et revues, les couvertures événementielles (le sport par exemple) et les contenus originaux. Personnellement, j’aime bien voir une vieillerie de temps en temps mais ça ne va pas bien loin. Les contenus originaux ? Là je suppose que cela dépend des goûts et des couleurs mais personnellement, je ne regarde plus que quelques documentaires sur arte ou France 5 et un peu de sport sur FranceTV (même si je mute systématiquement Nelson Monfort).

La télévision m’intéresse quand elle m’apporte quelque chose.

Ce n’est quasiment plus le cas pour la TNT. Est-ce une question de budget, de ligne éditoriale dans laquelle je ne trouve pas mon intérêt ? Difficile à dire, je ne suis pas spécialiste du milieu… Pour le sport, les chaînes spécialisées ont pris les choses en main depuis bien longtemps, au moins pour tous les événements un peu suivis en France. Après, je ne suis pas prêt à payer un abonnement Canal juste pour la F1 mais il faut reconnaître que l’offre existe (par contre, il faut que je regarde s’il y a moyen de s’abonner à Sky Sports F1…) Quant à tout ce qui touche aux « infos », cela fait longtemps que j’ai laissé tomber la couverture médiatique par la télévision tant je la trouve inintéressante (au mieux). Je reparlerai peut-être de mon point de vue sur les médias d’information en général tiens, mais je risquerai d’être un peu long (et mordant) pour aujourd’hui… Ah, j’ai oublié la musique. Difficile d’en parler tant sa couverture semble avoir disparue du paysage télévisuel. Ok, des clips en boucle, ça on a. Des télé-crochets aussi. Mais des émissions de découverte musicale ? Il n’y a même plus de top 50 autrement qu’avec des clips (et des votes par SMS)…

Malgré tout, si tu fouilles un peu dans le panel des chaînes de ton bouquet ADSL (ou satellite/câble), tu peux trouver des choses intéressantes. Je me suis par exemple abonné à la chaîne Histoire, qui diffuse des documentaires pas de première jeunesse mais souvent intéressant. Et il y a Nolife (123 sur Free, 130 sur Orange, 221 sur Bouygues, 176 sur SFR, 219 sur Numéricable).

Qu’est-ce donc que Nolife ? C’est une chaîne, hum… non en fait, c’est un média, qui traite de… hum… difficile à qualifier… je dirai de culture moderne et de culture japonaise. On y parle de jeux vidéo, d’animation, de musique japonaise mais aussi française, de cinéma, de court métrage, de jeux de société ou de rôle, de littérature SF ou non, de cosplay etc. Si je voulais utiliser un mot qui ne signifie aujourd’hui plus grand chose, je dirai qu’elle traite de la culture geek. Mais ce qui change par rapport à quantité de chaînes classiques, c’est la façon dont elle traite ces sujets. Et accessoirement, son modèle économique.

Nolife est à mon sens un média, attention gros mot… innovant.

Si si, j’assume (contrairement à l’usage que je peux faire au quotidien de ce mot dans ma vie professionnelle). Déjà, je ne me vois pas, en tant que spectateur de la chaîne, comme un « consommateur ». Littéralement je le suis certes, mais la volonté qui transparaît des contenus n’est pas de me les vendre, c’est de me les partager. Et ça change tout. Vous connaissez beaucoup de chaîne capable de vous conseiller de zapper si le contenu ne vous plaît pas ou si l’on va vous spoiler dans les prochaines minutes le contenu d’un jeu ou d’un film ? Le tout, malgré le ton « familial », toujours avec professionnalisme et rigueur journalistique. Une critique d’un jeu vidéo qui nécessite qu’on y passe 15 minutes au lieu des 10 prévues, eh bien on arrange un peu la grille des programmes et on prend les 15 minutes. La législation française impose de passer 40% de contenus français (Nolife étant une chaîne conventionnée comme musicale), eh bien au lieu de passer les mêmes clips que sur les autres chaînes, on ouvre la diffusion aux indépendants. Puis un média qui peut parler de jouet ou de BD avec sérieux, sans faire passer les consommateurs pour des attardés mentaux bloqués dans l’enfance, c’est assez rare pour être signalé. A ce propos, je vous invite à regarder la soirée des 7 ans de la chaîne, une des thématiques portait justement sur des émissions de la chaîne, si vues dans un média généraliste. Ça vaut son pesant de cacahuètes.

Innovant dans son approche de son public aussi. Même si la chaîne a une audience loin d’être négligeable, malgré une équipe très restreinte (une vingtaine de permanents) et un auditoire pas le plus simple à traiter (le geek est très exigeant par nature 😉 ), elle est très proche de son public, ce depuis sa création en 2007, soit bien avant que le concept de Community Management n’émerge dans ce milieu. Vous souhaitez discuter avec l’équipe de leur traitement de tel sujet, en bien comme en mal ? Rendez-vous sur le forum, ou au stand de la chaîne dans n’importe quelle convention d’importance, vous pourrez en toucher deux mots au président ou à la personne concernée. Du coup, elle draine une communauté de gens nombreuse, soudée (et plutôt fort sympathique), ambassadrice d’un média qu’elle est prêt à soutenir que ce soit financièrement ou dans sa promotion (je croise bien plus de gens portant des T-Shirt ou sacs a l’effigie de Nolife que de TF1…) Je prends un exemple volontairement un peu exagéré mais connaissez-vous des spectateurs d’une chaîne prêt à la regarder au beau milieu de la nuit pour… sa première publicité diffusée ? Et de se rendre au supermarché le lendemain matin pour acheter le produit concerné (une boite de gâteau dans mes souvenirs) ? Moi j’en connais.

Après, il y a la technique, l’art d’être un média au jour d’aujourd’hui. Je passe rapidement sur les petits détails (le logo progressif au fil de l’émission, les crédits des clips affichés pendant toute leur durée, l’ouverture à la communauté de données permettant de créer des outils en rapport avec la chaîne etc.) pour sauter directement à Nolife Online et noco. En 2009, la chaîne va mal (et elle avait déjà failli sombrer l’année précédente). La publicité n’arrive pas, sans mesure Médiamétrie pour attirer des annonceurs (mesure qui n’existait alors pas sur l’adsl), les fins de mois sont difficile. Pour autant, l’équipe ne veut pas rendre la chaîne payante, alors elle crée un média complémentaire : Nolife Online. C’est un service de vidéo de rattrapage par abonnement, qui donne accès non pas uniquement aux émissions les plus récentes de la chaîne mais à l’ensemble de son catalogue. Le tout avec des features qui viendront faire évoluer le service au fil du temps comme des playlists partageables, des émissions en HD (60 images/s) alors que la chaîne diffuse encore en SD, du simulcast etc. Voilà un choix économique quelque peu risqué puisque finalement, les contenus sont disponibles gratuitement à la TV. Mais ça marche, le serveur de paiement explose le premier jour et la chaîne survit. Ce n’est certainement pas la richesse mais avec l’aide de la publicité qui arrive par la suite, ça semble tenir. L’évolution du coût des infrastructures concernées permet d’ailleurs à la chaîne de passer en HD et même de réaliser un premier direct pour ses six ans.

Malgré tout, ce n’est pas la panacée, les abonnements diminuent et l’infrastructure autour de Nolife Online commence à montrer ses limites. Que faire, lancer de grosses pub clignotantes « abonnez-vous » sur la chaîne ? L’équipe fait plutôt le choix de capitaliser sur son expertise et lance un nouveau service pour faire suite à Nolife Online : noco.tv. En plus de l’évolution technique par rapport la précédente (vidéo en FHD etc.), la plateforme s’ouvre à d’autres éditeurs de contenus. Vous pouvez ainsi par exemple souscrire au catalogue wakanim, qui propose des animes en streaming. Puis la plateforme offre un vrai contenu social, avec par exemple un service de « simulwatch », proposant de regarder en même temps tout en commentant un quelconque programme du catalogue avec des amis (et pas juste avec une iframe twitter). Et pour les éditeurs, c’est une opportunité de mettre en commun des catalogues afin de répondre aux limitations de la législation française sur la diffusion des œuvres (qui doit être répartie à 40% de contenus français, 20% d’européen et 40% d’international, pour simplifier).

Cette petite équipe ne s’arrête jamais sur ses maigres acquis. Aujourd’hui, une société de production est en réflexion, a priori pour développer un axe plus documentaire des thèmes abordés par Nolife.

Voilà à mon sens ce que doit être une chaîne de télévision de nos jours : un média multi plateforme, capable d’offrir un vrai contenu de fond sur sa thématique (noco.tv héberge actuellement quasiment 9000 émissions, toutes originales) et de fédérer les acteurs et spectateurs dans une communauté à même d’échanger et d’aller de l’avant ensemble.

Personnellement, je ne regarde quasiment plus la chaîne en direct, mon emploi du temps métro-boulot-dodo ne me le permet pas. Je ne suis plus que le J-Top et les divers émissions qui suivent le samedi soir, sur la J-Music. Pour autant, je rattrape sur noco mes émissions favorites, à court terme ou parfois des mois après leur diffusion. Mon cercle d’amis et mon réseau comportent un grand nombre de personnes rencontrées grâce à la chaîne, j’ai même passé un an de ma vie avec une personne de cette communauté. J’ai fondé avec quelques-uns un petit média sur les idols asiatique et je développe avec un autre un projet professionnel. Ma vie ne serait pas la même sans… une chaîne de télévision. Tiens, je n’aurai pas cru écrire ça un jour.

Malgré tous les trucs positifs que je suis en train d’écrire sur cette chaîne, il faut cependant savoir que Nolife va mal. Le marché de la publicité à la télévision ne se porte pas particulièrement bien et les abonnements ne sont pas suffisant pour entretenir le tout, aussi petite et acharnée du boulot soit l’équipe. Je crains que le modèle ne soit un peu trop en avance par rapport aux mentalités de notre temps. Faire la démarche d’aller payer quelque chose alors qu’une majeure partie du contenu peut être apprécié gratuitement, ça reste difficile à envisager surtout dans les milieux culturelles, même si ça évolue doucement. N’oublies pas que chaque chose à un coût et que « si c’est gratuit, c’est que c’est toi le produit ». J’ai tendance à rapprocher cette approche au crowdfunding, un autre modèle de notre temps : tu peux investir dans des produits qui te semblent intéressant, en l’échange d’un bonus sur le dit produit (si la campagne est validée). Un abonnement à noco, ce n’est pas seulement l’accès à un service, c’est à mon sens accorder ta confiance à un projet à long terme : Nolife.

Bon, comme je ne t’ai pas convaincu de t’abonner, je laisse la parole au président, qui t’expliquera la situation mieux que moi : http://noco.tv/emission/13204. Et pour participer à l’aventure, c’est par là. Et si donner votre point de vue sur la question vous intéresse, il y a les commentaires !

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